Juste lui , son fils .

Grand chéri s'est envolé . Ciel bleu et envie de grimper , une invitation depuis longtemps lancée par son oncle , le frère d'Anne Chiffon qui ce jour là trouvait la lumière belle pour d'en haut prendre ses photos . Cet avion là est d'origine , des centaines de miles , des milliers d'heures passées le nez dans les étoiles et depuis ses débuts des fous d'aviation , des amoureux de st Exupéry ( coucou trés personnel à Léocadie ) , des générations d'hommes à avoir su l'aimer , le bichonner , changer ses écrous par d'autres toujours d'origine , le repeindre , le lustrer jusqu'à aujourd'hui . Le joli coucou vole aussi bien qu'il y a plus de cinquante ans et Anne Chiffon révait que son grand chéri monte plus prés des étoiles pour un large cercle au dessus de la forêt , des villages , des plaines , des champs aussi jaunes de Colza que le coucou . Une hélice lancée à bout de bras , elle les a regardés s'éloigner sur la piste , puis s'envoler avant de diparaitre au fond dans l'horizon . Garder le regard fixé jusqu'à en imprimer juste un point , petit , si petit et si loin . Aucune peur , si rassurée par les milliers d'heures de vol de son frère , jusqu'à lui confier son grand chéri , ce n'est pas rien . Le silence soudain , quelques oiseaux à plumes roucoulent dans les arbres qui bordent la piste , elle attend , remercie son fils d'être venu et son frère de l'avoir emmené aussi simplement que s'ils étaient partis entre hommes à bicyclettes ... Puis Anne Chiffon s'est assise dans l'herbe et a scruté le ciel ...

Un petit point venu de nul part s'est rapproché , elle a reconnu les formes , les ailes , puis la couleur jaune  il a alors tourné et sur la droite elle a vu le bel oiseau jaune danser avec prudence prés de quatre Mongolfières qui venaient de s'élever dans le soleil déclinant du soir . Penser que grand chéri était là à portée de mains ( beaucoup de mains !) de ces ballons aux couleurs de leur équipage , rayé , à damiers , au blason d'un vicomte aventurier et peint de papillons multicolore comme un message à la nature du ciel ; il en fallut à son coeur de maman de la raison pour ne pas se laisser envahir par cette idée que à moins d'un kilomètre son grand chéri , son Léopold était à des centaines de pieds du sol à valser dans les rayons cuivrés du soleil couchant . L'avion est descendu , les roues ont touché le sol : atterrissage réussi , il a roulé jusqu'à elle et grand chéri avait le bonheur dans les yeux et sur son sourire . Il s'est discrètement approché et elle l'a vu poser sa main sur son aile , simplement lui dire merci à ce bel oiseau jaune . Entre hommes , juste lui son fils pour le plaisir de le voir heureux d'avoir volé au dessus de la forêt et l'écouter raconter en quelques mots ses impressions , comme un homme celui qu'il est devenu , avec cette pudeur des émotions , dire oui mais pas trop , mais sa maman a vu , a entendu au delà des mots une émotion nouvelle dans ses yeux et pour une mère c'est une joie sans pareille .Anne Chiffon

Comments

[Cécile]

Sans doute une des inventions humaines les plus osées... Quelle belle expérience, chargée d'histoire et de souvenirs...

[Sylvie L]

Une bien jolie découverte que ce blog animé par de bien jolis textes, et ce dernier post parsemé par ce si joli mot "mon fils" ...

[Leocadie]

Merci pour le clin d'oeil.
St Exupéry était le frère de la grand mère de mon mari, l'oncle et le parrain de mon beau père .
J'ai découvert cet univers en entrant dans la famille et je comprends maintenant l'émotion que ressentent ces amoureux du ciel quand ils montent dans leurs coucous....Seul le ciel étanche leur soif d'espace et de liberté leur permettant de s'élever de prendre de la hauteur pour essayer de mieux voir, de mieux comprendre...