Déjà finis ...Et deux jours si importants sûrement ...
Ces deux journées touchent à leur fin et demain il faudra reprendre le train train quotidien ... Perplexe elle se dit que cette vie là décidément n'est pas celle qu'elle avait choisie . Travailler pour si peu de reconnaissance et un si maigre salaire ne la consolera jamais de toute cette absence auprés de ses enfants et pourtant elle y avait crû il y a trois ans quand elle avait commencé ce travail avec ce médecin . Toujours prête à relever la tête et tellement heureuse d'avoir décroché ce job , elle avait pensé que sa vie allait s'arranger , les problèmes se régler et qu'enfin le noir allait s'estomper et c'est tout le contraire . Une première année où elle s'est donnée avec passion pour devenir aussi transparente et sans intêret l'a depuis longtemps découragée même si elle aime ce contact avec les patients , ces rapports humains où elle se sent utile avec ceux avec qui elle parle, ceux qu'elle rassure ; c' est un homme qu'elle avait pensé humain , profondément puis elle l'a vu changer , elle est devenue encombrante pour lui tant ils s'étaient confiés et depuis c'est le silence , plus aucun échange , le vide , le néant et des rapports sans intérêt ; une déception de plus alors elle doit tenir tant qu'elle n'a rien trouvé d'autre mais elle ne peut s'empêcher de penser qu'elle est toujours dans des rapports humains où l'affect est trop présent , elle doit aussi se débarrasser de cela et travailler juste pour ce petit salaire , sans aucune considération et sans aucun avenir ? Deux belles journées s'achèvent et sa gorge se serre , jamais elle ne peut prendre petit chou à la sortie de l'école et c'est dure pour elle ,pour lui ; si difficile de devoir le laisser à la cantine , à l'étude chaque soir , celà devient seulement insupportable car son travail ne lui permet même pas d'avoir des projets puisque même son loyer elle n'a pas pû le payer , elle a peur de cette précarité elle qui a connu une autre vie ...C'est une telle angoisse , cette peur qui lui vrille le ventre , qui l'empêche de respirer et l'enferme dans une coquille de silence .
La peur , elle essaie de lui faire face mais quand le frigidaire se vide , que sa voiture a des pneus qu'il faut changer au plus vite , quand elle pense aux factures impayées , aux simples obligations de la vie comme aller chez l'ophtalmologiste , le dentiste et les vaccins , et les chaussures des enfants , et les activités et les sorties et cette vie sociale dont elle s'est exclue et leurs plaisirs refoulés parce qu'elle ne peut pas , elle ne peut plus payer . Ces chèques qu'elle signe parce qu'il faut bien , ses tableaux décrochés , ses bijoux dispersés , sa bague de fiançailles vendue , ses souvenirs auxquels on lui reproche de s'être autant attachés elle qui a vécu autre chose . Se battre pour y arriver et puis rien , un salaire de misère , une pension pour ses enfants mesquine et au delà de toutes ses difficultés cette incompréhension qu'elle ne peut plus accepter , trop mal ... Ces reproches qu'on lui fait comme si sa vie n'était pas la sienne et tout ce qui ressurgit du passé . Anne Chiffon se retrouve dans un mélange d'incompréhension et de colère , les autres ramènent sa propre vie à eux , se plaignant des difficultés qu'elle rencontre alors que rien dans leur vie n'a changé et qu'elle se bat dans cette mer déchainée , épuisée par des reflexions qui au lieu de l'aider l'ont écrasée davantage . Le toit qu'elle a pour elle et ses enfants aujourd'hui elle a peur de le perdre, elle frôle les murs dans sa petite ville , elle se sent comme un animal traqué et cette peur devient plus qu'une menace , c'est le vertige total , l'angoisse viscérale et ceux qui disent comprendre et ne voient rien !!!
Hier avec petit chou ils sont allés passer l'aprés midi chez leurs amis de la jolie maison du bord de l'eau , une merveille , couverte de glycine , un tilleul majestueux , des petits passages , une maison où l'on peut jouer à cache cache ; des pommiers , des poiriers appuyés aux murs , des clapiers pour les lapins , un grenier pour les jouets , des appentis , une serre tout ce qu'Anne Chiffon a toujours aimé , cette maison où tout est calme et sérénité . Deux jolis chats , deux petites filles ravissantes et un jardin qu'aurait filmer Claude Sautet , avec une tablée d'amis , des rires et des bons vins .
Ils sont revenus dans la nuit du raisin plein les mains et le coeur heureux malgré deux heures passées dans le service des urgences de l'hopital aprés la chute sur le bord du chemin de mademoiselle Camille , si courageuse malgré sa lèvre fendue et ses mains baignées de sang , petit chou resté avec le papa et la petite soeur Adèle et puis les deux mamans filant pour que la petite fille soit soignée et sa maman rassurée .
A leur retour la nuit était tombée , la lèvre ouverte mais pas de point de suture et un grand soulagement , le papa avait préparé le diner des trois enfants , puis à leur tour ils sont passés à table , c'était si doux , si simple , si bon d'être avec eux , avec son amie Lorraine à parler de la vie , de toutes ces choses qui étaient arrivées , le pneu de la bicyclette crevé puis la chute sur le gros caillou de Camille qui ce soir aurait bien du mal à trouver le sommeil et petit chou qui veillait sur elle tendrement , parvenant à la faire rire , sa BA ( bonne action ) de la journée pour son amie accidentée qui pour un court moment a oublié cette petite bouche si abîmée .
Puis aujourd'hui dimanche elle est partie avec petite chérie et petit chou dans la forêt , une journée remplie où elle et petit chou ont fait du yoga au milieu des bois et petite chérie une initiation au Shiatsu , une conférence , une transmission des yogis , de ces hommes partis au Tibet et revenus différents pour faire partager ces connaissances si éloignées de leurs vies de France . Ils ont assisté à des méthodes de relaxation basées sur la réflexologie , appris à respirer , appris à s'écouter pour se sentir mieux et mieux comprendre , mieux rentrer en communication , ils ont assisté à une séance de yoga du rire et des chants .( Anne Chiffon à droite , complètement; avec son foulard dans les cheveux , son haut rose , pas avec la barbe !!!) Ils sont partis au delà des frontière de l'occident vers un monde inconnu où ils ont pû sourire , appendre , écouter , rire et chanter . Petite chérie est sortie sereine et détendue et elle aussi avec l'envie de changer toute sa vie , de partir , de faire d'autres rencontres , d'aller soudain vers l'essentiel et d'oublier tout ce qui l'a retient à ses angoisses ... Non ce n'avait rien d'angoissant , c'est sa vie qui l'est , c'est cette inquiètude qu'elle ne supporte plus ,ce sont ces semaines dans un bureau à ne plus exister , c'est cette vie là qui ne va plus , Anne Chiffon a juste besoin de respirer sans peur que l'air ne vienne plus et besoin d'autre chose , elle tourné la page et c'est aussi violent que ce qu'elle vient de vivre , ah oui ? Elle ne l'avait pas dit mais vendredi elle a appris que le père de ses enfants voulaient l'anéantir , totalement et au lieu de s'écrouler , elle a juste envie que tout change et c'est fait , elle a bien claqué la porte mais le vertige l'a prend et elle a tellement envie de fuir loin pour un endroit où aimer serait permis , où vivre serait possible sans un couperet au dessus de sa tête . La liberté d'aimer , d'être aimée et peut être aussi enfin de s'aimer un peu elle même et de ne plus jamais connaitre la peur . Anne Chiffon