Sa Bonne Mamie chérie ...
Ce soir en cherchant dans la mémoire de ses photos Anne Chiffon a retrouvé sa Bonne Mamie , qui s'en est allée il y a tout juste une année .
Elle avait fêté ses 101 ans et ses yeux rieurs et malicieux lui manquent .
Comme une boucle qui se referme sa maman avait obtenu toute jeune fille le premier prix de piano au conservatoire de Londres et la musique dans leur famille a toujours eût cette place privilégiée des amoureux d'opéras , de cantates , de concertos ...
Maminou et Grand Papa ses parents ont toujours gardé la musique comme le fil , le lien d'une vie que le silence aurait angoissé ...Dans les photos un aperçu des endroits qui ont tant compté , des envolées d'archet aux gammes répétées la veille d'un concert .
Puis une porte , la porte de son enfance , leur maison : "Le Belvédère" , joyau accolé au côteau , le jardin des courses enfantines , dans les allées , sous les treilles et dans le petit bois du haut . Les premières escalades du sapin des petits , celui qui avait poussé laissant ses branches sortir de son tronc au rythme des marches d'une escalier en colimaçon , le terrain de croquet de Grand Père , le Belvédère qui dominait le village et laissait les yeux regarder au delà de la Loire , endroit incroyable où ses grands parents hissaient le drapeau familial pour annoncer leur présence .
Du bas la cuisinière faisait monter par un système de poulis , les plats chauds pour ces douces personnes trés âgées qui n'auraient pas supporté un velouté juste tiède .
Entre les petits bois , les allées , les petits potagers des enfants il y a eût tant de souvenirs , jusqu'aux soirées magnifiques organisées dans les grottes au sol recouvert de tomettes anciennes , dans chacune d'entre elle une cheminée , des miroirs aux dorures patinées et des souvenirs de soirées jamais retrouvées , des décors de théatre , des guirlandes de fleurs , des bougies , et un escalier creusé dans la roche pour accéder au jardin , plus de 80 marches , une rampe éclairée avec raffinement donnaient à ces soirées une féerie unique ...
Ce soir elle pense à sa Bonne Mamie qui s'est éteinte en chantant les comptines de son enfance en anglais , avec une grâce indéfinnisable ; celle sans doute d'une merveilleuse femme qui avait voyagé en bateau de Londres à Calais . Qui s'était mariée avec mon grand père Charles aussi discret qu'elle était volubile ...Et qu'Anne Chiffon allait acceuillir à sa descente d'avion à Roissy de retour des Etats Unis , la première sortie sa canne en avant et son chignon blanc en arrière ...
Jusqu'à la fin elle a pris son thé à 5 heures et gourmandise de vieille dame s'autorisait un biscuit , un carré de chocolat .
Née en 1906 , elle a traversé le siècle avec dans son coeur chaque évangile du jour repensé et une joie d'enfant quand l'un des siens l'appelait . " Ma Chiffon tu es mon rayon de soleil , de t'entendre illumine ma journée ..." Si elle avait su alors combien ses paroles ont pu me donner de l'énergie , se sentir tant aimé est le plus puissant des remontants que l'on puisse recevoir . Nous étions tous trés fières de notre grand maman . Une année s'est écoulée ...Elle est toujours là et veille sur sa famille , quel travail !!!.Au delà de soixante descendants on ne compte plus vraiment ...
Jusqu'à la fin sa propre maman a joué sur le piano familial , répétant ses gammes et travaillant Brahms avec les mêmes étonnements , les mêmes joies que lui avaient procuré la musique tout au long de sa vie . Elle était toute petite et portait un ruban de velours sur lequel une médaille était ajustée . Elle était née au XIX ème siècle et Londres alors était celui des rues sombres et des maisons à étages où seuls les domestiques travaillaient comme des fourmis au sous sol dans les cuisines ...Invisibles et tellement indispensables , un échange de reconnaissance et d'attachement gardés secrets .
Les Forsyte , c'était eux . Les anglais ont toujours été à part pour Anne Chiffon , ce raffinement exquis et cette fantaisie sans limite est ce en quoi elle se reconnait le plus ...Ses enfants aussi adorent l'Angleterre et ses traditions , ses paysages , cette intemporalité et cette douce folie ...
Les parents d'Anne Chiffon sont ainsi so british et la musique continue , elle regrette que ses enfants n'aient pas connu l'enchanteur " Belvédère " mais c'est ainsi et à l'instant elle regarde éparpilés prés de la cheminée les cartons de noël , les petits hommes , les anges , les oursons endormis se réchauffent avant de grimper dans la sapin pour rendre leur noël féerique , chez eux , dans leur maison ...Anne Chiffon