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LA MAISON DU LAC
Qui pourrait imaginer que cette petite fille là c'est Anne Chiffon ?
Au bord d'un lac , d'un lac immense duquel décollent des hydravions , à quelques miles d'Anchorage .
Ils sont partis pour l'Alaska , pour ces étendues sans limites , ces couleurs de miel et des rêves de trappeur . Monsieur père emmenait alors les passagers américains d'Anchorage à Tokyo et madame mère restait avec ses enfants à l'attendre . Au retour de ses vols , il troquait son uniforme à quatre barrettes pour enfiler de gros pulls et emmener sa petite famille découvrir le royaume des mouses et des grizzlies . Un fusil sous le bras il veillait sur ses enfants plus que nul part ailleurs , le danger se cachait aux abords des maisons alors .
Anne Chiffon a appris trés vite a joué avec les petits voisins , le français cédant avec une rapidité déconcertante sa place à l'argot enfantin des petits enfants élevés dans la nature . Une maison au bord d'une route où passait un truck par semaine et dont les enfants s'étaient emparés pour en faire leur parcours de skate .
Trés vite elle est devenue une sauvageonne . Une seule peur pourtant empoisonnait ses jours et plus encore ses nuits . Sentir le Terre trembler , voir les routes défoncées , les béances de la Terre au détour d'un chemin , une faille coupant en deux le chemin de fer , la boue devenue bloc de pierre sur des centaines de mètres . Le tremblement de Terre qui avait eût lieu deux ans avant leur arrivée avait ravagé sur des milliers d'hectares les routes , les maisons , les forêts . Un ras de marée avait recouvert de boue les bords de mer et tué trois mille personnes . L'alaska était blessée dans sa chair et les plaies n'étaient pas refermées . Dés qu'une secousse était perceptible la terreur envahissait les gares et les maisons , les écoles et les églises et Anne Chiffon a appris à se glisser sous la table robuste ou a s'abriter sous une porte . Un soir elle a vu une maquette que monsieur père avait construite avec minutie et passion tomber du dessus de la cheminée et s'écraser sous ses yeux terrifiés , le trois mâts n'a pas résisté alors et les plus petites parties ont traversé le salon , les canons minuscules roulant et vibrant alors que le sol tremblait et que du dehors les cris déchiraient le silence ...
Parfois ils partaient pêcher d'énormes truites et passer la nuit dans des lodges en rodins de bois chauffés au pétrole . Cette vie incroyable a donné à chacun une image de la mére nourricière , Gaïa trés particulière , trés respectueuse . Se sentir proche de la nature , se sentir humble et reconnaissant , prendre les arbres par la taille et humer les parfums désordonnés des épineux enlacés de feuillus inconnus ou d' Erables affectueux .
Les maisons des bords de lacs possédaient toutes des pontons , au bout desquels des hydravions se balançaient sur les flots , deux ou trois barques venaient s'entasser dans des chalets à la bouche béante , s'abritant des hivers qui glacaient en quelques heures les rivières et les fleuves , bloquant alors pour quelques mois tous les accés marins , dés lors les trucks empruntaient les chemins balisés au dessus des eaux figées par le froid .
Le pôle nord était tout prés , les esquimaux ne s'appelaient pas Nestlé et les chiens ne dévoraient pas les enfants ...
Elle a aimé l'Alaska , elle en a gardé de puissantes odeurs , des couleurs d'une vérité insolente et des gros mots d'enfants qu'on n'apprend ni en classe , ni à Cape Town . Le soleil était mauve et orangé et il était permis de faire des batailles de boules de neige en petit tee shirt et en plein mois de juillet . Les pancakes étaient plus épais et le sirop d'Erable généreux .
Les voyages de l'enfance , la vie d'expat ...Ca vaut tout l'or du monde . Anne Chiffon
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