DEMAIN .
Voiçi une nouvelle vie à apprivoiser , celle de lendemains sans certitude . Des habitudes qui vont changer et un noeud au ventre qui depuis mercredi se décide enfin à lâcher .
Bien évidemment elle est repassée pour la dernière fois au cabinet , chercher les papiers qui n'étaient pas prêts mardi soir , mais c'est avec soulagement qu'elle a laissé la lourde porte se refermer derrière elle . Lui ? Il n'a rien vu et jamais compris , il lui a souhaité bonne route un comble , pourquoi pas Joyeux tunnel ! Licenciée quand on a derrière soi un sac à dos encore un peu lourd à porter aurait mérité un enrevoir et rien d'autre , rien de plus . Cette main qu'il lui a tendu debout derrière son bureau était incongrue et d'une élégance déplacée aprés tout ce qu'il lui a dit depuis ces deux dernières années .
(Le jour où petit chou l'avait remplacée derrière son tout petit bureau , celui où elle acceuillait les patients depuis prés de quatre ans et où il s'est assis pendant une heure alors qu'elle travaillait )
Pourtant quand elle s'est présentée au cours de l'été 2005 à son cabinet pour un entretien et que le contrat fût signé en moins d'une semaine , elle s'était sentie pousser des ailes ; le sort ne s'acharnait plus sur elle et ce médecin , bel homme , charmant et brillant lui fit imaginer qu'elle était mieux qu'elle ne le pensait et qu'elle valait peût être le coup , malgré les humiliations subies depuis des années et le mépris qui l'avait tant blessée .
Non elle n'avait aucune vocation à se trouver là , mais au moins elle se sentait utile et autour d'elle on lui disait de se rendre indispensable , que passé 40 ans une femme se devait d'être ainsi . L'erreur la plus totale , elle fût replongée dans une relation professionnelle qui mit deux ans à se ternir , car un homme qui n'a jamais d'opposition ne comprend jamais le jour venu qu'on puisse avoir une vie en dehors ...Et c'est ainsi que l'escalade s'est faite . Anne Chiffon acceptant toujours , quitte à rentrer à des heures impossibles alors que petite chérie et petit chou l'attendaient . Les heures s'étiraient et elle se sentait bien à ses côtés , il parlait d'équipe et alors elle se prenait à croire que c'était vrai . Elle l'a accompagné au bloc opératoire , s'est prise d'affection pour ses patients , parfois plus que de raison et puis les mois se sont écoulés au ryhtme des consultations où lui soignaient les coeurs et où elle se sentait à sa place .
Peu à peu les relations se sont dégradées . Au début du deuxième été , incapable de lui parler elle lui a demandé par lettre interposée qu'il serait temps de revoir ses horaires et des détails qui devenaient peu à peu source de tension . Ce courrier il l'a mal accepté , pas du tout même au point de devenir totalement différent au retour des vacances .
La pression montait doucement mais sûrement , il lui donnait des ordres qu'il contredisait le lendemain , il n'avait pas accepté qu'elle lui demande de revoir son salaire alors misérable et qu'il lui règle toutes ses heures de travail . Venant d'elle il n'a pas imaginé la difficulté à écrire ce courrier , s'il avait seulement compris que ça lui était impossible d'aborder ce sujet . L'argent s'est diffusé comme un venin entre eux , lui : refusant de revoir son salaire qu'il jugeait suffisamment large et elle qui ne supportait plus de devenir peu à peu aussi peu écoutée . Tout travail mérite salaire mais il ne l'entendait pas ainsi .
Voilà comment en prés de quatre ans l'équipe est devenue aussi distante qu'étrangère , l'ambiance était tendue comme un arc et il lui reprochait tout et rien , elle se démotivait et s'étiolait , il ne l'emmena plus au bloc , finit pas ne plus lui dire bonjour , lui en voulait de respecter les heures établies sur le contrat et de ne plus rester comme avant sans heure ... Sans compter , allant vite passer du cabinet à la table à repasser et finir par totalement craquer ...
Dommage , il n'a jamais accepté d'échanges tout en prétendant le contraire et ils ne se parlaient plus . La voiçi sans travail et à la fois enfin libérée mais aussi assez inquiète pour cette route qu'il a osé lui souhaiter bonne , alors qu'elle ne sait pas où elle va la conduire .
La première étape s'est faite aux ASSEDIC , allez c'est un nouveau voyage mais cette fois çi elle saura que rien n'est pire que de s'imaginer que les choses vont nécessairement vers le haut . Parfois elles entrainent vers le bas ; le mélange est difficile à évaluer , heureuse de ne plus avoir cette tension qui lui tombait sur les épaules et inquiète de ce qui va se passer dans les mois à venir . Des idées , des réflexions mûrissent doucement , on lui a dit de se précipiter mais elle ne sait pas si courir n'est pas trop risquer si elle veut arriver ... Prendre du recul , analyser avec sérénité et se poser sur la bonne branche , enfin essayer d'en trouver une qui ne se cassera pas , ce serait déjà trés , trés bien ; enfin pas si mal ...
Anne Chiffon